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Richard Branson est-il adhérent Fnac ?

Vous êtes plusieurs à m’avoir parlé d’une affiche de la Fnac (merci notamment à Valérie et à Jérémy), vous indignant presque que Langue de pub ne se soit pas encore penché sur son cas ! Il s’agit bien sûr de la campagne consacrée au programme de fidélité du plus grand libraire de France, jouant sur l’ambiguïté « je prends ma carte à la Fnac » / « je prends ma carte d’un parti politique ». L’idée est amusante, j’ignore si elle est nouvelle ou si un autre annonceur l’a déjà utilisée ; quoi qu’il en soit, elle colle bien à l’identité de la Fnac qui met volontiers en avant un engagement (et des origines) du côté d’un certain militantisme (pour plagier la baseline d’un certain assureur « Fnac, libraire militant » ?).

Affiche Fnac Richard Branson

 

Sur le fond, on peut en penser ce qu’on veut… et surtout qu’il ne reste sans doute pas grand’chose de cet engagement et des valeurs dont se réclame l’enseigne… Mais ce n’est pas le sujet de ce billet : si je parle aujourd’hui de cette campagne, c’est plutôt parce que l’une des affiches qu’elle décline fait aujourd’hui le buzz. Qui n’a pas remarqué dans le métro, ce drôle de sosie de Richard Branson, fondateur de la marque protéiforme Virgin, dont le petit nom proclamé par l’affiche est justement… Richard. Clin d’œil à un ex concurrent ? Vraie-fausse peoplisation d’une publicité ? Mise en abyme du storytelling (je vous raconte une histoire qui en contient une seconde) ? Belle opération buzz en tout cas.

 

Comptoir des cotonniers : l’affaire est dans le sac

L’histoire du commerce – de l’Antiquité jusqu’aux cours de marketing des écoles de commerce – peut se résumer en une seule question : que faire pour que mes clients potentiels choisissent mes produits plutôt que ceux de mes concurrents, sans en améliorer la qualité, ni en baisser le prix ?

Réponse n°1 : proclamer partout à qui veut bien l’entendre que mon produit est le meilleur (c’est l’approche publicitaire) et éventuellement dénigrer subtilement ceux de mes concurrents.
Réponse n°2 : réussir à ce que des tiers, journalistes ou consommateurs, proclament eux aussi que mon produit est le meilleur (c’est l’approche RP).
Réponse n°3 : mettre en scène la pénurie de mes produits (s’il n’y en a plus, c’est que tout le monde s’est jeté dessus et que donc mon produit est génial).
Tout cela vous paraît théorique ? Je vous avoue que je vous comprends : j’étais comme vous jusqu’à ce que je tombe sur la vitrine d’une boutique Comptoirs des cotonniers, qui apporte la démonstration flagrante qu’en activant ces 3 leviers, on peut vendre n’importe quoi. Même un sac quelconque. La preuve en image ci-dessous :

Sac Comptoir des cotonniers par Charlotte Lebon "Moi, j'aime pas les sacs"

Ce sac Comptoir des cotonniers concentre :

  • Le point 1 (« j’aime pas les sacs sauf celui-là« ) : euphémisme élégant qui confine à la publicité comparative. Ceci dit, le propos est tellement général… Quoi qu’il en soit, l’implicite est là : ce sac est le meilleur sac du monde, d’ailleurs ce n’est même pas un vulgaire sac, c’est bien plus que ça. C’est autre chose de bien plus plus précieux : on ne dit pas quoi, mais peu importe. Sur cette technique publicitaire, je renvoie à mon billet sur les volailles de Challans et les casseroles Sitram.
  • Le point 2 (« j’aime pas les sacs sauf celui-là ») : coup de maître ! Celui, ou plutôt celle, qui fait la pub du sac Comptoir des cotonniers, c’est la cliente elle-même. Technique « autopublicitaire » teintée d’un narcissisme hipster très influencé par Facebook (je me définis non plus parce que je suis, mais par ce que j’aime et ce que j’aime pas)
  • Et le point 3 alors ? J’ai besoin maintenant de partager avec vous une autre photo, celle d’une petite affichette délicieusement encadrée sous plexiglas dans le coin gauche de la vitrine. Vous y croyez vous  à cette histoire de sac en rupture de stock qu’on affiche en pleine vitrine ? D’ailleurs, on en aurait presque oublié la question fondamentale : vous le trouvez joli finalement ce sac ?

Sac_Comptoir des cotonniers, rupture de stock

Levi’s : et 1789 devient une paire de 501

Quand les petites histoires épicières des storytellers de la pub essaient de se greffer sur la grande Histoire, le résultat est souvent comique, ridicule, voire un peu choquant. Surtout quand lesdites campagnes de pub se prennent trop au sérieux et oublient complètement le second degré. Exemple : Levi’s ouvre un nouveau magasin sur les Champs-Elysées et à cette occasion se fend d’une campagne centrée sur l’amitié franco-américaine… qui va un peu loin, puisqu’à croire le manufacturier de jeans, Levi’s est une sorte de fils spirituel de nos sans-culottes nationaux. Rien que ça !Affiche Levi's "Chère France, il y a environ 250 ans..."

 

Ok La Fayette est l’un des rares citoyens d’honneur des Etats-Unis. Ok la France est l’un des seuls pays occidentaux qui n’a jamais été en guerre avec Etats-Unis. Mais est-ce que ça suffit à inscrire Levi’s dans la droite lignée de la révolution française ? Est-ce que les références fréquentes de Jean-Luc Mélenchon à 1789 et 1793 durant la campagne présidentielle auraient influencé l’agence de pub de Levi’s ?

Car c’est un sacré grand écart qu’effectue sans broncher une affiche présente à peu près partout dans le métro en ce moment et qui arbore une sorte de lettre ou de déclaration d’amour à la France. Je ne résiste pas au plaisir de reprendre intégralement son texte ci-dessous :

Chère France,

Il y a environ 250 ans, le peuple français s’indignait qu’une poignée de puissants décident du sort du plus grand nombre : tous les hommes devaient naître égaux. Depuis, c’est à vous que nous devons le courage de penser autrement. Sans vous, pas de pionniers, pas de preneurs de risques (1), pas de « success stories », comme (2) l’histoire de ce simple jean devenu iconique, dans lequel hommes et femmes continuent d’accomplir leurs rêves les plus fous. A notre façon, nous voulons vous rendre la pareille (3) en ouvrant un nouvel espace dédié au progrès que vous avez inspiré.

LEVI’S

J’ai graissé mes passages préférés de cette épître aux Français.

(1) En tant que Français, tout d’abord, je me sens vraiment flatté que la Révolution française ait pu accoucher en définitive d’une génération de gens assez courageux et intrépides pour vendre des jeans partout dans le monde. Je pense d’ailleurs que Robespierre, Marat ou Danton n’avaient finalement pas d’autre but que de rendre possible la vente massive de pantalons (pardon de culottes).

(2) Ce « comme » est tout simplement stupéfiant. L’un de ces immenses raccourcis qui permet à la publicité de parasiter tout et n’importe quoi. Ou comment passer de 1789 au 501 en un coup de baguette magique. D’ailleurs, je vous invite à remplacer ce qui suit le « comme » par à peu près n’importe quel texte vantant les mérites de n’importe quel produit du textile à l’alimentaire, en passant par l’automobile ou la restauration.

(3) « Nous voulons vous rendre la pareille ». Oh ! Mais merci Levi »s de remercier nos ancêtres en ouvrant pour leurs arrière-petits enfants une magnifique boutique où ils pourront venir dépenser leurs sous. C’est vraiment le genre d’euphémisme (je suis gentil) ou plutôt de mensonge digne du Novlangue d’Orwell que je déteste dans la publicité. Ou quand l’ouverture d’un magasin devient une faveur faite au consommateur.

Levi's vive les friends !

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