Langue de pub

J’ai été tellement surpris hier en passant devant une affiche du Secours catholique que je suis resté planté pendant dix bonnes secondes pour m’assurer que je ne me trompais pas, qu’il n’y avait aucun sous-entendu, canular ou second degré. « Liberté Egalité Fraternité [ou pas] » annonce ce placard bleu, blanc, rouge.

Liberté Egalité Fraternité [ou pas]. Sur le fond, il n’y pas grand chose à redire… difficile en effet de soutenir que notre société soit à l’image de ces valeurs qu’elle imprime, qu’elle frappe et qu’elle proclame à tout bout de champ. Mais c’est tout de même très curieux – quand on connaît les rapports tumultueux entre l’Eglise et la République de 1789 à 1905 (loi de séparation des Eglises et de l’Etat) et même encore un peu après – qu’un organisme catholique prenne la responsabilité d’imprimer de tels mots et de jouer avec le triptyque républicain par excellence. Que faut-il lire en creux au final sur cette affiche : que la République n’est pas en mesure de tenir ses promesses ? Et que par conséquent, les valeurs laïques ayant failli, il ne reste qu’à se tourner vers l’Eglise, seule porteuse de valeurs proprement universelles ?

« Ou pas »

Le choix de l’expression très à la mode « ou pas » m’a aussi surpris. « Ou pas » s’entend partout, en toutes circonstances. Il se répand comme un « mème » c’est-à-dire une expression, une idée, un concept repris de façon virale par les membres d’une société, via un effet de reproduction et de mimétisme. « Ou pas », c’est une manière toute faite d’exprimer de façon  désinvolte et ironique un doute sérieux sur la légitimité, la probabilité ou la faisabilité d’une idée, d’un projet. Ma langue de pub enfile donc là son bonnet rouge de Marianne et reste circonspecte devant l’usage d’une telle expression de la part de l’Eglise pour désigner des valeurs républicaines. Maladresse coupable ?

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