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Mercredi 15h. Papa travaille. Maman est en RTT.

Les femmes gagnent moins que les hommes. Leurs perspectives de carrière sont plus limitées, parce qu’on attend d’elles qu’elles assument les aléas, imprévus et autres contingences de la vie familiale et domestique. Double peine pour les mères de famille : non seulement ce sont elles qui doivent prendre un RTT quand le petit est malade, mais en plus on leur tiendra rigueur de ces absences lorsqu’il s’agira d’attribuer une promotion ou une augmentation. Voilà le sujet (dont personne n’aura j’espère le culot de nier la pertinence) de la campagne de communication orchestrée par le Laboratoire de l’égalité, une officine publique dont j’ignorais jusqu’alors l’existence. Décodage de l’affiche ci-dessous.

Mercredi 15h. Papa travaille. Maman est en RTT. Où est l'égalité ?

 

C’est une approche de plus en plus courante que de pratiquer le micro-storytelling sur ce type d’affiche. Je dis bien micro story-telling car à l’échelle d’une affiche avec 3 lignes de texte, l’histoire que l’on raconte ne peut guère être développée. Donc sur notre affiche, on retrouve les éléments basiques de la narration : une héroïne (nommée seulement « maman » et montrée tenant sa petite fille dans les bras), un temps (mercredi 15h, étant sous-entendu que ce jour-là, les enfants n’ont justement pas école), un élément « dramatique » (« Papa travaille. Maman est en RTT »). Et son jour de RTT, maman en « profite » à fond puisque plutôt que de prendre du temps pour elle, elle gère quatre mômes. Sur l’affiche d’ailleurs, leur différence d’âge ne me semble pas suffisante pour qu’ils soient tous ses rejetons, mais bon si elle garde des enfants au black le mercredi après-midi pour compléter son petit salaire, c’est son problème (sic).

Qui a parlé d’égalité ?

Une micro-trame présentée de façon simple, sur laquelle chacun est susceptible de se projeter ; d’autant que les personnages ne sont pas nommés, sans doute à dessein « pour que chacun puisse s’y reconnaître » et pour préparer la morale de cette fable : « Qui a parlé d’égalité ? »  Les mécanismes les plus efficaces de la communication sont aussi toujours les plus simples.

Si La Fontaine prenait le métro…

… il serait fort aise de découvrir que son œuvre a largement inspiré la récente campagne d’affichage de la RATP. Cette campagne est d’ailleurs assez réussie et originale : elle repose sur l’utilisation d’une figure signifiante d’animal (le paresseux, la grenouille, le taureau…), associée à une situation que reconnaîtra facilement quiconque prend le métro de façon régulière. Un distique (2 vers) rimé légende le tout et sonne comme la morale de la fable : « Qui paresse aux heures de pointe / Risque deux ou trois plaintes »

Affiche RATP : Qui paresse aux heures de pointe risque deux ou trois plaintes

Sur le fond, on note tout de même que cette campagne parle finalement des usagers eux-même et pas tellement de la RATP. On s’interroge même un peu sur la nature du message sous-jacent : si les rames bondées aux heures de pointe sont si désagréables, est-ce parce qu’un ou deux « paresseux » utilisent – contre toute règle de civisme – les strapontins ou plutôt parce que la fréquence de passage des rames est trop faible ? Autrement dit, est-ce qu’en mettant en scène les passagers la RATP n’entend pas se faire doucement oublier ? Et si en parlant des autres plutôt que de nous, on réussissait à brouiller les critiques qui nous collent à la peau ?

Affiche RATP Grenouille "Qui saute par dessus un tourniquet..."Sur la forme, on regrettera deux petites choses. La première – très pardonnable – est le choix de rimes imparfaites. En métrique classique, une rime doit être à la fois phonétique (les sons doivent se faire écho) mais aussi graphique : pour Corneille ou La Fontaine, « tourniquet » ne rime pas avec « quai » ! La seconde, un peu moins vénielle, est une faute de français qui trahit en plus le texte original de La Fontaine : « Vous chantiez, j’en suis fort aise. Eh bien, dansez maintenant ! » écrit le poète. Un détail ? Plutôt une faute d’orthographe assez courante malheureusement…
Sticker RATP  : Vous mangiez, j'en suis fort, eh bien jetez maintenant

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